Jacques Brel: biographie

Publié le par Michel

[1] Romain Jérôme Brel né le 6 février 1883, fils de boulanger de la région de Zandvoorde près de Ypres Dans le Sud de la Flandre épouse Elisabeth Lambertine van Adorp surnommée Lisette née le 14 février 1896. De leur union naît Pierre en 1923. Six années plus tard, le 8 avril 1929, à Bruxelles, vient au monde le fils cadet Jacques.

 

En octobre 1942, Jacques entre à l’institut Saint-Louis. C’est un élève plutôt médiocre, rêveur, chahuteur. Il éprouve des facilités en histoire, de grosses difficultés en flamand et excelle en français. Le règlement sévère en rigueur dans cet établissement, l’omniprésence de pratiques catholiques déplaisent déjà au jeune garçon. Il n’arrivera jamais à s’habituer à cette état d’esprit qu’il critique plus tard dans ses chansons ( Les Bigotes  ,   Le plus vieux tango du monde ).

Par goût d’évasion, il consacre ses loisirs  au scoutisme (« totem : phoque hilarant »(1)), il fait du théâtre avec un professeur de français, l’abbé Deschamps et il fréquente les salles de cinéma.

A 15 ans, il écrit sa première nouvelle, Kho Karim, qui comprend une vingtaine de pages racontant la violation d’une pyramide par des Anglais. Il délaisse de plus en plus ses études.

Trois ans plus tard, en 1947, il publie avec des copains deux numéros d’un journal, Le grand Feu qui souhaite rassembler les adolescents dans « la fraternité et la solidarité contre le matérialisme ambiant ».

De trop mauvais résultats scolaires l’oblige à quitter le collège pour travailler dans la cartonnerie familiale, Vanneste et Brel.

Quelques mois plus tard, il adhère à la Franche Cordée autre mouvement de jeunes créé par Hector et Jeanne Bruydonckx. Très vite, on décèle en lui de grandes aptitudes à captiver l’attention des membres : en quelques touches, il arrive à synthétiser les idées essentielles, il ose dire à voix haute ce que les autres disent à voix basse.

Il présente les qualités d’un grand orateur, d’un homme fait pour le public et est élu président en 49 de la Franche Cordée.

Il se rend compte qu’il aime s’adresser aux gens pour les distraire et il décide de monter sur les planches. Il adopte le Petit Prince de Saint-Exupéry, la Ballade des Pendus de Villon et le Silence de la mer de Vercors.

Le 1er juin 1950, Jacques épouse Thérèse Michielsen,  surnommée Miche. Installés à Mollenbeek, le 6 décembre 51, les jeunes mariés donnent naissance à leur première fille, Chantal.

En 52, il rencontre Angèle Guller, animatrice de la Radio Belge. Elle l’engage dans son émission, La vitrine aux chansons. Une vocation est née : Jacques veut devenir chanteur professionnel. Il arrondit ses fins de mois en chantant chaque soir sur la scène du cabaret de la Rose Noire. Il n’y remporte aucun succès. En effet, ses chansons sont beaucoup trop en avance sur son temps. Et puis un jour, il annonce à son père qu’il va quitter l’usine. Ce dernier, qui vote libéral, nous a toujours dit que dans le mot libéral , il y a liberté : «  Dans la vie, vous ferez ce que vous voulez pour autant que ce ne soit ni malhonnête ni illégal. »(2)

Début 53, Jacques est invité à Paris, la Ville Lumière, par Jacques Canetti, responsable artistique chez Philips. Celui-ci croit  découvrir en lui un futur talent. Il reste indécis. Encouragé par cette rencontre, Jacques écrit de nouvelles chansons. Admirative, la célèbre Juliette « Gréco interprétera Le Diable, qui aura son succès. »(3)

Ce sera le déclenchement d’une grande carrière ! « Avec son accent et ses longues dents, il ne passe pas inaperçu :mais le chemin de la gloire est encore long… »(4)

Les événements artistiques se succèdent : en juin Brel auditionne à nouveau chez Canetti . Il satisfait. En septembre, il est engagé au Cabaret « Les Trois Baudets » en première partie du spectacle d’Henri Salvador. 2

Pour plaire au public, on lui impose de changer complètement son aspect physique : plus de moustache, de gomina… Le 12 juillet de cette année naît sa deuxième fille, France. En novembre, il passe à Radio Luxembourg et auditionne chez Francis Claude .[2]

En juillet 54 , il effectue un cour passage à l’Olympia en supplément au programme mais n’obtient que peu de succès. Son début de carrière présente encore des hauts et des bas. Toute fois, il participe sous la direction de Canetti aux côtés de Dario Moréno, de Philippe Clay et de Catherine Sauvage à une nouvelle tournée. Sa popularité augmente et ses cachets aussi.[3]

En octobre, il part pour l’Algérie où l’appelle une tournée durant laquelle il remporte un énorme succès. C’est alors qu’il commence à côtoyer les grands artistes de l’époque tel que Brassens. Au cours de cette même année, il rencontre Georges Pasquier, « Jojo » qui deviendra son meilleur ami et, en 58, son secrétaire particulier.

Le 11 février 1955, Brel chante à Bobino ; son succès augmente. L’année 1956 représente un nouveau tournant dans sa carrière : Brel rencontre à Grenoble le célèbre pianiste François Rauber qui devient son accompagnateur puis son orchestrateur. Tenté par le cinéma, il tourne avec Paul Déliens un court métrage d’une dizaines de minutes, La grande peur de monsieur Clément qui ne sera pas commercialisé mais cette première expérience cinématographique ne laissera pas Jacques indifférent.

En 1957, l’Académie Charles-Cros lui décerne un prix pour sa chanson Quand on a que l’amour vendue à plus de 10000 exemplaires. Il continue à participer à des tournées auprès de célébrités telles que Sidney Bechet, Fernand Reno,… Son succès est grandissant !

Trois événements marquent 1958 : la naissance de sa troisième fille, Isabelle, en août, le passage à l’Olympia, en novembre, où il remporte plus de succès que la vedette P. Clay et la collaboration de Gérard Jouannest, pianiste de renom, avec François Rauber et Brel.

En novembre 59, la carrière de Brel prend une autre tournure : il passe enfin en vedette à Bobino. Il remporte un succès fou !

Succès oblige, il modifie à nouveau son style : il abandonne la guitare sauf pour le Plat Pays, travaille sa voix pour que celle-ci soit plus chaude, simple et puissante, il perd presque son accent belge, il porte un costume foncé et une cravate. Un mois plus tard, il obtient le grand prix de l’académie du Disque Francis-Carco.

Au cours de ses tournées et galas, de plus en plus nombreux, il fait la connaissance de l’accordéoniste Jean Corti qui rejoint les musiciens de Brel.

La fin de l’année 1961 est couronnée pas son passage à l’Olympia avec Nicole Croisille et Rika Zaraï. La presse est de plus en plus élogieuse à son égard. «  Il formait avec Brassens et Becaud les « 3B » »(5)

62est l’année du renouveau : «  Brel quitte la maison Philips et signe un nouveau contrat avec Barclay, qui deviendra un véritable ami »(6), et fonde les éditions musicales Arlequin qui porteront six mois plus tard le nm d’édition Pouchenel ( c’est-à-dire Polichinelle en bruxellois). Son épouse, Miche en est la directrice.

En 1963, Jacques ne part pas en tournée. Il se consacre à l’enregistrement de quelques chansons marquantes telles que Les Bigots, Le Vieux,… et réalise quelques passages sur l’antenne d’Europe n°1. Il y présente l’émission « Rendez-vous Madame la Musique », interprète plusieurs textes avec Patachou. Cette expérience ne remportera pas un franc succès auprès des auditeurs.

1964 sera une année sombre marquée par le décès de ses parents. Il développera par contre sa carrière à la télévision : il interprète de nombreuses chansons à l’émission Discorama. 5Pour se divertir, passionné par l’aviation, Jacques suivra des cours de pilotage durant l’été et s’achètera un avion, un Gardian Horizon.

 

 

                   Jacques réalisera de nouvelles tournées avec un public et une critique

                   toujours plus chaleureuse.

L’année 65 se termine par une tournée de cinq semaines en URSS et par un Gala au Carnegie Hall de New York.5

1966 est marquée par un changement radical : Jacques, manquant d’inspiration, n’arrive plus à écrire de nouveaux textes. Perfectionniste, il préfère quitter la scène au sommet du succès plutôt que de se répéter et lasser son public.

Voulant terminer en beauté, il réalisera une dernière grande tournée d’adieux dans les plus grands cabarets de Paris, de Londres, du Canada, Marseille,… «  Brel en peignoir, venant saluer un public qui ne veut pas le lâcher lors de ses adieux : c’est peut-être la soirée la plus forte et la plus célèbre de l’histoire de l’Olympia. »(7)

Lors d’un voyage à New York en 67, Brel assiste au spectacle Man of the Mancha de Mitch Leigh pour la musique, Joe Darion pour les paroles . Albert Marre en est le metteur en scène.

Brel tombe littéralement sous le charme de cette pièce et décide de l’adopter. Les Américains lui donnent cette autorisation à une et une seule condition : c’est lui qui doit interpréter le rôle principal, c’est-à-dire Don Quichotte. En avril, à Los Angeles, Brel passe une audition devant les producteurs américains de  l’homme de la Mancha. En même temps, il devient le sujet d’une comédie musicale Jacques Brel is alive and well and living in Paris. Celle-ci comporte le montage des chansons de Jacques traduites en anglais. Ni l’art poétique, ni la sensibilité du chanteur ne se retrouvent dans les textes traduits. Ceux-ci n’arrivent pas à récupérer l’ambiance Brel, celle que l’home dégage sur scène. Le spectacle se donnera toute fois pendant quatre ans. Son goût pour l’aventure et l’évasion le pousse à acheter un bateau pour voyager.

Sa carrière cinématographique débute en été 68. Jacques joue son premier rôle dans un film d’André Cayatte, Les risques du métier. « En septembre, il effectue ses premières répétitions au théâtre des Champs Elysée de L’homme de la Mancha. »(8) Il incarne le fameux et mystérieux Don Quichotte, son écuyer, Sancho Pança n’est autre que Dario Moreno et sa dulcinée est jouée par Joan Diener. Le quatre octobre, la pièce sera jouée pour la première fois au théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Elle emporte un franc succès. Malheureusement, fin novembre, frappé d’une hémorragie cérébrale, Dario Moreno alias Sancho Pança décède à Istanbul. Robert Manuel accepte de reprendre ce rôle en cinq jours  pour la générale du 10 décembre à Paris. Parallèlement, Brel tourne La bande à Bonnot de Philippe Fourastié. Souffrant, Brel interrompt une dizaine de jours, début février 69, les représentations de L’homme de la Mancha. Le 17 mai aura lieu la dernière, la cent cinquantième, représentation de cette pièce en plein succès. En automne, Brel tourne  Mon oncle Benjamin d’Edouard Molinaro. Soucieux d’interpréter parfaitement son rôle, il apprend le maniement de l’épée. Voulant échapper au monde médiatique et se divertir, il s’inscrit à l’école Les ailes de Genève  et s’achète un nouvel avion, un Wasmer 421.

 En 1970, Brel rédige les chansons d’une pièce pour enfant de Jean-Marc Landier, Le Voyage sur la Lune , musique de François Rauber. Elle ne sera jamais présentée au public : c’est un échec.

Toujours avide d’évasion, Jacques poursuit sa formation de pilote et obtient sa licence. Quelques mois plus tard, il tourne Mont-Dragon de Jean Valère d’après le roman de Robert Margerit.

L’année 1971 commence avec le tournage du film Les assassins de l’ordre de Marcel Carré. Voulant davantage s’impliquer dans la production cinématographique, Jacques ébauche la mise en scène de son futur premier film, Franz .Durant l’été, le tournage se réalise à la côte belge à Blankenberg. Dès septembre, on le retrouve sur les plateaux du film L’aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch. Il y rencontre Maddly Bamy, sa future nouvelle compagne, engagée pour un petit rôle.

L’activité cinématographique de Brel durant l’année 72 est florissante. Il tourne durant le printemps en Bretagne Le Bar de le Fourche  d’Alain Levent. Encouragé par le succès de sa première production, Franz, Jacques produit durant l’été, à Bruxelles son second film, le Far-West. Son épouse en est la productrice. Ce film représente la Belgique au festival de Cannes en mai 73. La naïveté de ce film est mal perçue aussi bien par les membres du jury que par le public. C’est un véritable désastre et Brel en est fortement accablé ! Toute fois, Jacques se remet immédiatement à la tâche, participant à L’Emmerdeur d’Edouard Molinaro auprès du célèbre Lino Ventura. Sa sortie au mois d’octobre de cette même année remporte un énorme succès médiatique. Il constitue son dernier long métrage. Jacques termine ainsi sa carrière cinématographique en beauté.

Souhaitant profiter de la vie, il interrompt ses activités artistiques pour s’adonner au plaisir de la voile. Jacques invite ses trois filles pour faire une croisière. Au mois de décembre, Jacques, accompagné de cinq amis, embarque sur un voilier pour une longue traversée.

A son retour, début 74, il propose à France, sa deuxième fille, un tour du monde. Elle accepte mais ce n’est qu’après avoir obtenu, début juillet, son brevet de « yacht man » qu’ils partent avec Maddly sur son nouveau voilier, « l’Askoy ».

La santé de son secrétaire particulier et ami intime, Jojo, se dégrade de plus en plus. Jacques en est fortement affecté. Quelques mois plus tard, en escale aux Açores, Brel apprend le décès de celui-ci. Il se rend à l’enterrement, interrompant de ce fait cette croisière. Cette disparition désespère énormément notre artiste.

Le 9 septembre de cette même année, sa fille aînée, Chantal, se marie avec Michel Camerman. Ressentant de vives douleurs dans la poitrine, Jacques se rend à Genève. On y diagnostique un cancer du poumon gauche. En novembre, il est opéré dans un hôpital de renom à Bruxelles. Fin décembre, Jacques et sa compagne rejoignent France aux îles Canaris. Ils reprennent leur aventure et traversent l’Atlantique. A cause d’une sérieuse dispute, France quitte définitivement son père. Restant à deux, ils décident de traverser le Pacifique et débarquent aux Marquises dans l’îles d’Hiva-Oa. Désirant s’isoler, Jacques décide de s’y installer avec Maddly en novembre 75. Son rythme de vie change complètement : il mène une vie calme et austère en compagnie des religieuses. Il supprime même les boissons alcoolisées ainsi que le tabac. En souvenir de son ami décédé, Jacques baptise son nouvel avion « Jojo ». Pour réaliser des contrôles médicaux jugés indispensables, Jacques se rend à plusieurs reprises à Bruxelles. Malgré le climat peu favorable à sa santé, il retourne chaque fois vivre aux Marquises. Son état physique se détériore et malgré tout, il refuse de se rendre à Los Angeles pour des examens plus poussés.

En mars 1977, aux Etats –Unis, il se voit décerner le « Disque d’Or » pour la chanson Le Moribond. Cet événement lui redonne du baume au cœur et donc lui donne l’envie de chanter à nouveau ! Jacques rédige les paroles et compose la musiques de dix-sept nouvelles chansons dont seulement douze seront commercialisées de son vivant. «  Les Marquises est un disque de mort-vivant, où certains titres sembles avoir été composés et enregistrés face à la vie, et les autres face à la mort. »(9)

Durant l’été 1978, Jacques se sent très mal et on lui conseille de retourner au plus vite à Paris pour se faire soigner. Une grosse tumeur cancéreuse est décelée. Jacques est soigné pendant six semaines dans une clinique de la banlieue de Paris. Il dira : « Mourir face au cancer par arrêt de l’arbitre »(10)

Quelques mois plus tard, voulant échapper à des journalistes peu scrupuleux, il est pris d’un terrible malaise. Il souffre d’une embolie pulmonaire. En moins d’une semaine son état devient critique ; Il décède le 9 octobre 1978 d’une syncope. « Trois jour plus tard, la levée du corps à l’hôpital : il partira dans quelques heures pour les îles Marquises où il a choisi de reposer dans le cimetière de Gauguin (peintre). »(11)10

 

 



1Béatrice Delvaux, « Brel 25 ans », in Le Soir, Bruxelles, 2003, supplément gratuit, page 20

2 http://www.europictures.com/brel/page01.htm (page 3 sur 4).

3 http://dossiers.lesoir.be/brel/portrait/A_03ABC7.asp (page1 sur 4).

4 Gérard Neves, Jacques Brel, Bruxelles, Ciné Revue(album souvenir),numéro 6, page 11.

 

 

5 Jacques Paulus, Jacques Brel, Paris-Bruxelles, Pierre de Méyère, collection portraits num. 8, 1964.

6 http://www.ramdam.com/art/b/jacquesbrel_bio.htm.

7 http://www.rfimusique.com/siteFr/article_14872.asp. (page 1 sur 3)

8 21éme année, numéro 12, l’express N° 2698 (hebdomadaire),page 68, 21-27 mars 2003.

9  Les inrockuptibles, N°408, page 61, 24-30septembre 2003.

10 Paul Emmanuel, Jacques Brel, Bruxelles, édition des Archers,1978, page 7.

11 Gérard Neves, Jacques Brel, Bruxelles, Ciné Revue (album souvenir), numéro 6, page 63.

Publié dans Dossiers

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Bonjour, <br /> Je vous écris dans le cadre d'une recherche généalogique.<br /> <br /> Merci pour ce bon article. Je voudrais pouvoir le copier en donnant les références de l'auteur et du site. <br /> D'autre part j'aimerais en savoir plus sur Michel CAMERMAN et les quatre enfants qu'il a eu avec Chantal Brel.<br /> <br /> Merci d'avance de votre réponse<br /> <br /> Pierre-Michel van WIN<br /> FRANCE
Répondre