Jacques Brel: la chanson

Publié le par Michel

                 

 

Dans ses textes, Brel a en fait retracé sa vie et ce, depuis sa plus tendre enfance.

Il critique la société qui n’accepte pas l’enfant tel qu’il est mais le moule à son image. Pour Brel, il s’agit d’un dressage pour préparer les enfants à devenir des adultes adaptés à la société dans laquelle ils vont vivre. Les différentes institutions qui vont les modeler et Brel en particulier, sont : la famille qui transmet la morale traditionnelle, l’école qui annihile l’imagination et la créativité pour sélectionner la future élite, la religion qui fait plier les hommes en leur enseignant la peur, l(humilité et la résignation et qui les empêche de vivre debout ainsi que l’armée qui va mater l’enfant, qui malgré les jougs de la famille, de l’école et de la religion, risque de sortir des carcans dans lesquels on veut l’enfermer lorsqu’il devient adulte.

 

Au cours d ‘une émission radio sur Europe1, le 13 juin 1962, Brel à dit la chose suivante : «Et j’ai essayé de faire des chansons plutôt qu’autre chose pour des raisons bien précises et qui ne me font pas tellement plaisir. C’est qu’en réalité j’aurais voulu, bien sûr, écrire des quatuors à corde, ou des symphonies, d’une part, et d’autre part, j’aurais bien voulu écrire des romans. Mais je n’ai ni la culture musicale suffisante pour écrire une symphonie et encore moins u joli quatuor à cordes et je n’ai certainement pas la maturité et sans doute pas le talent nécessaire pour écrire un roman. Alors, j’ai pris un moyen terme qui est la chanson et qui me satisfait pleinement tout de même et se rattache, d’une part à une ligne littéraire, à une discipline stricte qui est la littérature, et à une autre discipline stricte qui est la musique. »(12) Il a choisi une ligne intermédiaire entre ces deux disciplines strictes. Cela implique que, dans ses chansons, Brel travaille aussi bien le texte que la musique. L’un ne va pas sans l’autre, il doit y avoir une harmonie entre les deux, mis, c’est loin d’être suffisant. Il faut ce que Jacques appelle : « l’idée qu’on attendait pas ou le miracle ». C’est ce qu’il explique au cours d’une série démission de la CRPLF : « Il y a des chansons, je n’exagère pas, dont j’ai écrit cinquante couplets ! Non, il faut trois grandes idées pour une chanson : il faut une idée de musique, une idée de texte et puis l’idée qu’on attendait pas. Alors celle-là ne se fait qu’avec une succession de mariages. On marche un peu par l’absurde. On allie telle musique avec telle envie de texte ( parce qu’il n’est pas encore question de texte à ce moment-là), et il y a un miracle, ou il n’y a pas de miracle, c’est-à-dire que les deux ont des enfants ou pas, quoi. S’il n’y a pas d’enfants, il ne faut absolument pas continuer. S’il y a des enfants, on ne sait même pas s’ils vont être beaux ou quoi, on n’en sait rien… »(13)

Le troisième ingrédient, sans lequel rien n’aurait été possible, c’est bien évidemment son talent. Ce talent qui brille tel un diamant. Grâce à la collaboration de ses musiciens, ce diamant s’est transformé en brillant. D’ailleurs, Brel se rend bien compte sue son succès est le fruit de ce travail d’équipe. Jacques dira : « …et laissez-moi vous dire que pour moi c’est une chose absolument essentielle, parce que Brel, en réalité, ça n’existe pas. Ca n’existe qu’en fonction d’un certain nombre d’individus avec qui j’essaie de travailler, et qui d’ailleurs travaillent avec moi. »(14)

 

Le fil conducteur dans l’œuvre de Brel, c’est l’ESPACE. L’expansion d’un héros qui veut conquérir le monde, représente l’idéal parfait.

 

                    « Nous avons dans nos mains

                       Amis le monde entier »

 (Quand on n’a que l’amour)

            

                    « En tenant l’autre et l’une

                       Moi je tenais e monde »

(La Fanette)

 

Cette conquête de ce monde se fait debout, en occupant un maximum d’espace. La tendance ascensionnelle est très importante dans les textes de Brel et poussée à l’extrême dans le symbole de l’aile. Malheureusement, la plupart de temps, cette conquête échoue de par la nature même de notre monde. Qui ne monte pas tombe ! Le temps travaille contre nous.

 

                    « Du lit à la fenêtre

                       Puis du lit au fauteuil

                       Et puis du lit au lit »

 (Les Vieux)

 

En opposition avec cette fuite vers le haut qui représente la conquête, se trouve la crainte de l’enfermement. Cette claustrophobie dont Brel fait une obsession aussi bien au point de vue physique que moral.

 

                    « …une maison

                      Avec des tas de fenêtres

                      Avec presque pas de murs »

 (Ces gens-là)

 

Enfermer dans une maison est égal à un enfermement physique.

 

                    « Mon enfance éclata

                      Ce fut l’adolescence

                      Et le mur du silence

                      Un matin se brisa »

(Mon enfance)

 

Enfermer dans l’ignorance est égal à un enfermement moral.

 

 

                    « L’âge idiot c’est à vingt fleurs(…)

                      Et qu’on s’endort toutes les nuits

                      Dans les casernes(…)

                      L’âge d’or c’est quand on meurt(…)

                      L’âge d’or c’est quand on dort

                      Dans sa dernière caserne »

(L’Âge idiot)

 

La mort, la dernière prison à laquelle on n’échappe pas.

 

Une autre façon de conquérir le monde, c’est de voyager. Vaincre la mort donc le temps en bougeant, car bouger c’est vivre et le voyage est la forme la plus évidente du mouvement.

 

                    « Y en a qui on le cœur si vaste

                      Qu’il sont toujours en voyage »

(Les cœurs Fendus)

 

Ne dit-on pas également que le rêve est le voyage de l’enfance.

 

                    « Sais-tu qu’elle vole la coquine

                      Les oasis du Sahara

                      Les poissons dorés de la Chine

                      Et les jardins d’Alhambra »

 (Isabelle)

 

Le voyage est également associé à l’amour. Un nouveau départ, vers de nouveaux rivages…

 

                    « Mais qu’est ce que j’aurais bien aimé

                      Encore une fois prendre un amour

                      Comme on prend le train pour plus être seul

                      Pour être ailleurs, pour être loin »

 (J’arrive)

Mais que représente l’amour dans les chansons de Brel ? L’amour annonce toutes les joies, toutes les beautés de la vie. Il s ‘élance vers un horizon sans limite à la conquête de l’amour, de la femme qui sera l’illumination de sa vie.

 

                    « La lumière jaillira

                      Claire et blanche un matin

                      Brusquement devant moi

                      Quelque part en chemin(…)

                      La lumière jaillira

                      Reculant l’horizon

                      La lumière jaillira

                      Et portera ton nom »

(La lumière jaillira)

 

La femme est synonyme d’amour, cet amour capable de tout produire. L’amoureux est capable de l’impossible.

 

                    « Moi je t’offrirai 

                      Des perles de pluie

                      Venues de pays

                      Où il ne pleut pas »

(Ne me quitte pas)

 

Dans ses premières chansons Brel décrit la femme de façon idéaliste, avec un vocabulaire poétique.

 

                    « Faut dire qu’elle était belle

                      Comme une perle d’eau »

 (La Fanette)

 

Plutôt que de la décrire physiquement, Brel évoque la femme par les impressions qu’elle provoque sur le cœur de l’amoureux. Ce qui compte c’est la relation avec le beau sexe et, au fur et à mesure ; il va mettre le comportement de la femme en évidence et ce avec une misogynie croissante. Dans ses textes il dépeint l’inconstance, l’infidélité, l’égoïsme, la comédie, l’hypocrisie, la perfidie et la méchanceté de la femme. Ces femmes possessives qui enferment l’homme dans un bonheur sans histoire donc sans mouvement qui mène à la mort de l’amour.

 

                    « Tu m’aura gaspillé

                      A te vouloir bâtir

                      Un bonheur éternel

                      Ennuyeux à périr »

(Dans ma vie)

 

                    « On est deux mon amour

                      Et l’amour chante et rit

                      Mais à la mort du jour

                      Dans les bras de l’ennui

                      On se retrouve seul »

(Seul)

 

L’amour déclaré, piège les amoureux et en fait des ennemis dans une lutte sans merci.

 

                    « Je sais, je sais que ce prochain bonheur

                      Sera pour moi la prochaine des guerres

                      Je suis déjà cette affreuse prière

                      Qu’il faut pleurer quand l’autre est le vainqueur »

 (Le Prochain Amour)

 

Mais mieux vaut cette guerre qui implique un mouvement que cet amour tranquille synonyme d’immobilisme donc de mort.

 

Une autre façon d’éviter cet immobilisme, c’est de s’agiter, faire la fête. L’alcool et la danse qui permette d’échapper à toute contrainte. L’alcool, paradis artificiel qui permet d’échapper au quotidien. On boit beaucoup chez Brel et rarement seul.

 

                    « Ni tous ces ports ni tous ces bras

                      Ni tous ces attrape-cafard

                      Où l’on attend le matin gris

                      Au cinéma de son whisky »

(On n’oublie rien)

 

                    « Le cœur bien au chaud

                      Les yeux dans la bière

                      Chez la grosse Arienne de Montalant

                      Avec l’ami Jojo et l’ami Pierre

                      On allait boire nos vingt ans »

 (Les Bourgeois)

 

L’amitié se fête jusque dans la tombe.

 

                    « On boira du silence

                      A la santé de Constance »

(Fernande)

 

La danse est omniprésente et très diversifiée dans l’œuvre de Brel. Synonyme de mouvement, elle permet, de façon artificielle, d’échapper à la mort . Tourner à en perdre la tête, tenter d’oublier momentanément, par une fuite éperdue et une activité physique sans but, le temps qui mous mène inévitablement vers le mouvement final.

 

 

 

 

 

Publié dans Dossiers

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B
une tradition pas trop cuite svp
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B
Bonjour,<br /> Peut on se mettre en contact afin que vous puissiez m aider pour des questions sur la chanson mon enfance<br /> Merci d avance
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A
Tu pourrai parler spécialement de l'enfance de jacques brel au lieu de généraliser ,sa me serai utile .
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